[Interview] Jay Killah: «Beaucoup d’artistes n’ont pas eu la chance d’avoir mon parcours»


Ecrit par : Jaures Bradley  |   Lu : 2647

Jay-Killah est de ceux qui présentent un profil atypique dans le rap game béninois. En Janvier dernier, il annonçait sur ses réseaux qu’il allait mettre un terme à ses vingt années de vie dans la musique. Mais bien avant, il lâchera un septième album. De son rôle de père jusqu'à ses interrogations musicales, l'auteur du classique "Un Parfum De Rébellion" aborde tous les sujets avec notre équipe de rédaction !

De Dhalaï-k à Jay Killah en solo, quel bilan (autant positif que négatif) tu fais de ces 20 ans de carrière?

Que du positif. On dit dans la vie ou tu réussis, ou tu apprends. Donc j’ai eu mes réussites. J’ai beaucoup appris aussi. Et je ne regrette rien. J’ai eu la chance de pouvoir faire 7 albums, 2 mixtapes, de travailler comme beatmaker, arrangeur, parolier, d’avoir fait des festivals, d’avoir gagné des prix tant dans mon pays qu’à l’international, d’avoir enregistré avec certains des artistes les plus brillants de leur génération, d’avoir transmis le peu de savoir que j’avais. Tout n’a été que grâces. Donc Thank God. Beaucoup d’artistes n’ont pas eu la chance d’avoir mon parcours. Beaucoup ont fait beaucoup mieux également, mais chaque route est unique, et la mienne a été belle. 

Quelle est l'année qui t'a le plus marqué et pourquoi ?

L’année qui m’a le plus marqué musicalement c’est difficile à dire. Il y a eu beaucoup de belles années. Mais je dirais 2008-2009. Parce que la promotion du Projet Class se poursuivait. Et j’ai vécu des moments extraordinaires avec cette équipe. Dhalaï-k préparais également son troisième album. Et je sortais mon premier album solo « XV : La Divine Comédie » cette année-là. C’est également cette année-là que j’ai gagné mon premier prix en solo, le Bénin Golden Award 2009 du meilleur album rap-reggae-ragga. Projet class meilleur album en 2008. Puis la Divine Comédie meilleur album en 2009. Des beaux moments !

Cite nous trois (03) de tes chansons qui décrivent ou résument le mieux ta carrière.

Forcément il y aura « parfum de rébellion » pour son aspect engagé. Ensuite « Tom et jerry » parce que c’est vraiment fun et j’ai pris plaisir à le faire. Et « Get Low » avec Elinam parce que j’ai une vraie passion pour la musique africaine. Et c’est l’un de mes morceaux qui rend le mieux cet amour.

A travers toutes ces étapes, ces nombreuses années à chanter, enregistrer, se produire sur scène, quelle est la plus importante leçon que tu as apprise?

Fais une musique qui te ressemble. Et travaille avec des gens qui croient en toi. Ce sont les leçons les plus importantes à mon sens.

Aujourd’hui la donne a beaucoup changé de ton côté. Entre ta vie professionnelle dans une organisation internationale et ta musique, qu'est-ce qui te procure le plus de satisfaction ?

Les deux me procurent une satisfaction équivalente. J’aime mon boulot, j’aime la musique. J’ai eu des opportunités des deux côtés qui auraient pu m’amener à abandonner l’un ou l’autre. Mais j’ai toujours refusé car je m’épanouis dans cet équilibre. Et c’est ça le plus important. Être heureux dans ce que l’on fait.

Que peut-on retenir aujourd'hui du label AFROPOP que tu as co-fondé avec Duce? De loin, on pense que vous avez tenté de  remettre le "bâton relais imaginaire" à certains artistes qui n'ont pas voulu le conserver ?

AFROPOP à la base était censée être notre équipe support à Duce et à moi. Nous avons voulu par la suite en faire profiter d’autres artistes. Mais c’est difficile car les artistes sont très exigeants. Et oublient qu’en réalité nous ne gagnions pas d’argent sur eux. Au contraire nous en perdons. Il y a des business de très loin plus rentables que la musique. Mais nous restons fiers de ce que nous avons pu faire pour chacun d’eux. La preuve, pour beaucoup, leur titre les plus connus restent ceux faits sous AFROPOP. C’était et c’est toujours d’abord une question de feeling et de passion. Le reste suit. Mais clairement nous nous sommes recentrés sur nous-mêmes. 

Quelle est ton appréciation actuelle de la musique urbaine béninoise et quel jeune artiste béninois te représente le mieux aujourd'hui (s’il en a bien sûr)?

Les inspirations sont différentes, les feelings aussi. Mais la création reste toujours présente. J’ai beaucoup d’admiration pour toute la nouvelle génération. Ils amènent un vent frais. Et il y a beaucoup d’artistes que j’apprécie pour leur musique et leur univers. Il vaut dire que sur le rap engagé et l’écriture il n’y en plus des masses, avec la dominante afro-beat actuelle. Mais j’aime beaucoup les morceaux engagés de Tyaf et son écriture parfois corrosive. Et en termes de création musicale, la recherche d’un artiste comme Ralami.


Certains anciens de ta génération aussi tentent de rester dans le game alors que les jeunes leur demandent d’aller à la retraite. Notamment Amir (Ex membre Diament Noir), Fo Logozo (Ex membre Ardiess), Nasty Nesta , WP BaBaJèJè, Sessi ( S@M)....Que penses-tu d’eux ?

Il n’y a pas de retraite en musique. Je mets au défi beaucoup de jeunes d’affronter Amir ou Fo Logozo sur un freestyle. Rires. Tant que tu as des choses à dire tu es dans le jeu. Nel Oliver, Manu Dibango, etc, sont-ils trop vieux pour faire de la musique ? Après il faut juste faire une musique qui vous ressemble, quelque soit l’âge. Les pères fondateurs du hip-hop sont pour la plupart des cinquantenaires. Donc ça ne surprendra pas de voir bientôt des rappeurs aux cheveux blancs, comme on voit des reggaeman aux rastas blancs. L’essentiel est de rester vrai, et de ne pas chercher à toujours être dans la tendance. Il faut la créer. Les jeunes rappeurs d’aujourd’hui ont leur réalité, qui diffère de la nôtre. Ils ont WhatsApp, YouTube, etc. Le contexte n’est pas le même. Mais on est fier d’avoir rendu le chemin plus facile pour eux.

Récemment tu annonçais un nouvel album, un opus que tu présentes comme étant le dernier de ta carrière. Pourquoi le dernier?

Parce que je ne ressens plus le besoin d’en faire. Je continuerai à travailler dans la musique, particulièrement le hip-hop. Mais pas forcément au devant de la scène. Je prendrais aujourd’hui plus de plaisir à amener mes gamins découvrir le studio, et les instruments, que jouer en playback sur une petite scène deux ou trois morceaux. On ne dit jamais “jamais”, mais j’espère être plus en coulisses qu’au devant de la scène.

Penses-tu qu'un nouvel album de Jay-Killah est vraiment attendu par le public? Ou tu l'as aussi fait "pour ton propre plaisir" comme se justifient les rappeurs que le grand public ne calcule plus vraiment aujourd'hui?
 
La vraie question est de savoir si tu fais de la musique pour que le grand public te calcule ou parce que tu es un artiste et que tu as des choses à dire et à transmettre. Quand tu essaies de te transcender, c’est d’abord pour toi-même. Après pour les autres. Mais si tu es fier de ce que tu accomplis, vas de l’avant. Le reste suivra, ou pas. L’essentiel est d’être fier de soi, et surtout de prendre plaisir. J’ai la chance de ne pas en vivre, de m’autoproduire, donc de pouvoir faire totalement ce que je veux. Rires.

Sinon quelle sera la différence entre l’artiste Jay Killah de  "Sounou zonli" (premier single de votre carrière) et celui du nouvel album?

C’est le même homme. Mais pas la même inspiration. Ni le même parcours. Sounou Zonli, je n’étais même pas encore majeur, je n’avais pas le Bac. Depuis l’eau a coulé sous les ponts. A chaque étape de la vie musicale, on doit ressentir ton évolution en tant qu’humain. Si tu te baignes deux fois dans un fleuve, tu ne te laveras jamais avec la même eau. 

Qu’est-ce qu’on peut attendre de ce nouveau disque et quelles sont les colorations qu'on pourrait y retrouver?

Il sera beaucoup plus live que les précédents. Et aussi beaucoup plus personnel. Je le déconseille vivement aux amateurs de trap. Rires. Mais je pense que ceux qui aiment la musique en général s’y retrouveront. L’écriture aussi a changé. J’espère en tout cas que les gens prendront autant de plaisir à l’écouter que j’en ai pris à le faire.

Aussi, quel est le titre de l'opus et la date probable de lancement du premier single et / ou de l'album?

Le premier single devrait sortir le mois prochain. Le titre de l’album sera dévoilé avant la sortie. Nous avons bien avancé sur le projet et nous sommes presque prêts !

Ton mot de fin!

Merci à vous, et force à la nouvelle génération pour le vent de fraîcheur qu’elle amène, et aux anciens pour ce qu’ils ont fait et continuent de faire. Unis nous avancerons.

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